Voici un reportage que nous avons réalisé à Gimel le 11.10.2024, auprès du maître fromager Kevin Gay. Il produit le lait, la crème, le beurre et une bonne partie des fromages que vous trouvez en vente aux P’tits Pois.
• Quelques photos du laboratoire • la fabrication du gruyère • Visite de la cave• Autres moments choisis • Interview de Kevin
Quelques photos du laboratoire
La fabrication du gruyère
La cuve est pleine: lait bien sûr (apporté un peu plus tôt par 6 paysans), présure et bactéries, le tout agité par des bras tournants, les «brasseurs planétaires» (si si!).
Ci-dessous, on voit le lait cailler progressivement:
La série de capsules vidéo que voici montre ce travail en étapes progressives:
• Ici le lait est encore liquide: vidéo 1
• Il est prêt à recevoir les couteaux: vidéo 2
• Les couteaux empêchent le fromage de faire bloc: vidéo 3
• Le mélange est prêt; Kevin nous explique ce processus: vidéo 4
• Les couteaux sont retirés et nettoyés: vidéo 5
C’est qu’on ne rigole pas avec l’hygiène:
Pendant ce temps, Kevin prépare les moules à gruyère. Petit tour à 360° en vidéo.
Des «réhausses» sont placées sur les moules pour éviter que le mélange de grains de fromage et de petit lait ne déborde.
La vidéo que voici montre Kevin en train de les placer.
Et si vous voulez voir ces 2 moments en vidéo, voici : pompage puis enlèvement des réhausses.
Pendant ce temps, Kevin nettoie à fond la cuve, les ustensiles… et même les parois !
Et voici ce travail en deux vidéos : nettoyage-1 et nettoyage-2.
Les fromages vont rester jusqu’au lendemain matin dans les moules. Puis, démoulés, ils seront mis dans un bain de salage (pendant 24 heures pour les gruyères et les gimelans qu’on voit sur les photos ci-dessous, 15h pour les «raclette» au lait cru et 1 seule pour les sauvageons que vous verrez plus bas, à la cave), avant d’être sortis du salage et descendus à la cave, par la trappe que vous voyez ci-dessous (dernière photo).
La vidéo que voici montre la sortie du bain d’une « claie » de gimelans puis d’une de gruyères.
Visite de la cave : l’affinage des fromages
Sur cette vidéo plus longue que les autres (5’10), Kevin nous explique la suite du travail : l’«affinage» du gruyère. On voit par ailleurs les étagères portant les gruyères de tout un mois, ainsi que divers autres fromages produits à Gimel.
Quelques autres moments choisis
Au fil de notre visite, nous avons saisi en photos et vidéos plusieurs autres activités de Kevin et de ses employés. Les voici en vrac…
Et maintenant… place à l’interview de Kevin!
C’est dans l’appartement de la famille Gay, au-dessus de la laiterie, que nous avons interrogé Kevin sur son travail, sa vie, et tout ce qui nous semblait de nature à pouvoir intéresser les coopératrices et coopérateurs des P’tits Pois.
Kevin, qui es-tu ? Raconte un peu…
Je ne viens pas du milieu agricole. J’ai grandi à Mont-sur-Rolle, entre une maman couturière et un papa travaillant dans les télécom. Devenir fromager demandait donc de surmonter des préjugés concernant le « monde paysan »…
J‘ai fait le CFC en travaillant à l’Isle, de 2006 à 2009 ; on y fabriquait surtout du gruyère, et l’hiver une partie était transformée en vacherin Mont-d’Or. Puis j’ai suivi l’école de fromagerie à Grangeneuve pour obtenir le brevet fédéral de « technologue en industrie laitière ». J’ai ensuite travaillé à Essertine, et fait la maîtrise fédérale de « maître fromager » en 2017, avant d’avoir la chance de reprendre cette laiterie de Gimel, en 2019.
Je me suis efforcé d’y développer les « spécialités » : fromages à pâte molle, fromages raclette, yogourts etc., que vous trouvez en partie aux P’tits Pois. Laitier, c’est un travail manuel, assez physique. Ma femme me dit un peu hyperactif… Mais j’ai les après-midi libres, et je suis heureux de ce que je fais ; même si habitant sur place, je jongle un peu entre famille et travail…
L’équipe
Kevin Gay bien sûr, le jeune patron. 2 employés fromagers, 2 apprentis, 2 vendeuses au magasin. Enfin l’épouse de Kevin, qui fait une bonne part du travail administratif.
Les horaires de travail
Le travail commence tôt le matin : dès 4h30 ou 5h ; il se termine vers midi, avant de reprendre le soir de 17 à 19h, notamment pour réceptionner une seconde livraison de lait. Le week-end, les laitiers se relayent pour assurer l’indispensable réception du lait.
Composition des prix
Le lait est acheté au « prix gruyère », qui est le plus élevé (environ 93 ct/l), pour rétribuer le respect d’un cahier des charges très précis ; ce prix varie périodiquement en fonction de la qualité mesurée (quotidiennement pour chacun des paysans qui livrent, avec des contrôles mensuels plus poussés). Son prix à la vente est augmenté des coûts de chauffage, pasteurisation, mise en bouteille et lavage des bouteilles consignées.
« Ce n’est pas un produit sur lequel on gagne de l’argent », nous dit Kevin : les éventuels surplus (lait acheté moins lait utilisé pour la production de fromages et autres produits en vente) sont revendus 50 à 60 ct le litre seulement !
Le prix des fromages se compose du prix du lait, des adjonctions (présure, bactéries, éventuels ajouts tels que des herbes aromatiques, de la lie de vin etc.), et bien sûr du travail. Pour le gruyère, il est fixé par l’Interprofession. Pour les autres fromages, ainsi que pour les yogourts, le beurre, la crème etc., c’est Kevin qui les détermine. Pourquoi les prix sont-ils supérieurs à ceux du grand commerce ? Principalement du fait des quantités bien moindres produites. Aussi parce que tout est fait à base de lait acheté au « prix gruyère » (cf. supra), alors que les industries achètent celui au plus bas prix (autour de 53 ct/l, donc 43% moins cher !). Et que les ingrédients sont dans toute la mesure du possible suisses voire locaux. Enfin, beaucoup de choses sont faites à la main (cf. la vidéo qui montre le remplissage des bouteilles de crème) ; il faut par exemple 6 heures de travail pour produire 200 litres de yogourts.
« Y’a quoi dedans ?»
Le lait est évidemment le principal produit qu’on utilise dans une laiterie… Mais quoi d’autre encore ?
Pour les fromages : de la présure – à la base c’est de la caillette de veau, mais stabilisée par des firmes spécialisées. Elle est compliquée à trouver en Suisse, les firmes qui la produisent étant rares. Et des cultures de bactéries, produites par un laboratoire à Liebefeld (BE).
Pour les yogourts autres que « nature » : du sucre, provenant d’Aarberg ; des fruits, des extraits (café, caramel…) et des arômes, fournis par un producteur d’articles de fromagerie (basé à Berne). Tout ce qui peut provenir de Suisse, vient de Suisse ! Et c’est parfois étonnamment difficile : l’ail par exemple, que beaucoup de professionnels achètent… en Chine !
Pour les mélanges à fondue, les fromages sont bien entendu produits sur place, le vin est acheté en vrac à Mont-sur-Rolle. Bien entendu il faut encore des contenants et emballages ! Les bouteilles et gobelets en verre, tous consignés, proviennent d’une entreprise de Gimel, qui se charge aussi de leur nettoyage entre deux remplissages. Les emballages de beurre et de fromage sont achetés à des firmes qui les impriment en Suisse ; la matière elle-même provient généralement de l’étranger.
Les livraisons
Kevin livre ses produits dans toute la région autour de Gimel. Morges étant plus éloignée, le responsable de ces achats pour les P’tits Pois (Adrien) vient les chercher à mi-chemin, autour d’Etoy.
Quelques chiffres encore
- 6 paysans amènent leur lait 2 fois par jour à la laiterie de Gimel. Au total, ça fait 1,5 million de litres de lait par année.
- 60-80’000 litres sont transformés en « spécialités » ; tout le reste sert à la fabrication du gruyère, qui est donc de loin le principal produit.
- La laiterie fait un chiffre d’affaires d’1,5 million environ ; le magasin et les petites livraisons – telles que celle aux P’tits Pois – représentent un peu moins de la moitié.
Nous adressons un chaleureux MERCI à Kevin pour sa gentillesse, sa disponibilité (alors qu’il était en plein travail !), la précision et la richesse de ses propos !
Que chacune, chacun de nous, en achetant de ses produits aux P’tits Pois, pense à lui et à tout le travail que leur élaboration a exigé.
Nous sommes si souvent trop blasés, habitués à tout trouver sans effort…
Et nous vous quittons sur cette photo un brin étrange, que nous adorons.
• Quelques photos du laboratoire • la fabrication du gruyère • Visite de la cave
• Autres moments choisis • Interview de Kevin
Textes, photos et vidéos: Denise Lachat et Philippe Beck
Vous retrouverez la laiterie de Gimel ici: https://www.laiterie-gimel.ch/